De(s) Contractions – Saison 7 Semaine 6

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Chaque semaine, un hypokhâgneux du Lycée du Parc, du groupe de grec confirmé (ils se font rares…) ou du groupe des débutants (ils sont un peu plus nombreux…) vous livre ses impressions, et rien que ses impressions, sur les déclinaisons, les conjugaisons, le vocabulaire et la syntaxe…en toute décontraction !

Manuel de survie pour hellénistes pendant les fêtes

Pendant le trajet en voiture, faute d’avoir pu emporter le Bailly avec vous (évidemment trop gros et trop lourd, mais à la réflexion, ç’aurait pu être utile pour assommer votre petit frère qui fredonne sans arrêt à côté de vous), consultez-le en ligne pour réviser votre vocabulaire. Si vous avez la chance d’avoir un grand sac, vous pouvez même avoir emmené votre ἕρμαιον, et alors vous voilà fort chanceu.x.se, vous pouvez même vous entraîner à la lecture… Choisissez le bon texte et votre marmonnement incompréhensible sera peut-être suffisant pour énerver et faire taire votre petit frère. Arrivé.e à la maison de famille, vous remarquez avec dépit l'arrivée précoce de votre père et de sa nouvelle fille. Pour vous consoler et parvenir à lui coller une bise dégoûtée, tâchez de traduire silencieusement « je déteste la fille de mon père ». « Μισῶ τὴν πατρὸς θυγατέρα » trop simple, comme l’enfer des embrassades n’est pas terminé, profitez-en pour réciter la déclinaison irrégulière de πατήρ ou de θυγάτηρ…

Vous parvenez à vous éclipser en prétextant des devoirs, mais vous ne coupez pas bien sûr au repas du réveillon. Votre oncle chasseur ayant ramené du gibier, voilà l'occasion parfaite de réviser le paradigme masculin de la première déclinaison avec ἐλαφίνης, -ου. Ὁ ἐλαφίνης, ἐλαφῖνα, τὸν ἐλαφίνην, τοῦ ἐλαφίνου, τῷ ἐλαφίνῃ (avec un iota souscrit bien évidemment, à l’article comme au nom), οἱ ἐλαφῖναι, ἐλαφῖναι, τοὺς ἐλαφίνας, τῶν ἐλαφινῶν, τοῖς ἐλαφίναις.

Les cadavres de bouteilles s’amoncellent, votre famille est de plus en plus insupportable, et boire vous-même ne suffit plus. Il est temps de soustraire son attention à la tablée pour composer une phrase… Voyons, vous venez de réviser l’imparfait avant de partir, ne serait-ce pas l’occasion parfaite, alors que votre père devient raciste à son sixième verre de vin ? Allez-y, récitez donc ça : « ἐφίλουν τὸν πατέρα, οὐ φιλῶ αὐτόν… » Ah zut, voilà que vous bloquez. Il s’agirait de savoir comment se dit « boire », avant de trouver son participe présent. Une excursion aux toilettes s’impose, et vous voilà sur votre téléphone entre Google traduction et le Bailly en ligne, espérant que le mot en grec moderne ne soit pas trop éloigné de sa racine attique… Et, victoire ! Boire se dit apparemment πίνω. Maintenant, pour en faire un participe passé… C’est la leçon que vous aviez le moins bien comprise. Faut-il ajouter -όμενος ? Ah non, ça c’est uniquement pour les moyen-passifs. Quoique, peut-on considérer que votre père boit pour lui-même ? Non, probablement pas. Pour les actifs, il faut… Il faut… Vous revenez à table, espérant qu’une part de bûche suffise à vous le faire revenir en mémoire. Et ça marche ! Le sucre active vos synapses et vous vous en souvenez. Il faut décliner le verbe à la troisième déclinaison, sur le modèle de γέρων. Alors allons-y : πίνων, πίνοντα, πίνοντος, πίνοντι, πίνοντες, πίνοντας, πινόντων, πίνουσι. Pour former la phrase « je n'aime pas mon père parce qu'il boit », il vous faut donc père à l’accusatif singulier, et le participe au même cas, mais sans article, puisqu’il est apposé. Ça donnerait, si vous n'êtes pas trop rouillé.e, « οὐ φιλῶ τὸν πατέρα πίνοντα ». C’est ce moment que choisit votre tante pour vous tapoter le bras en vous demandant pour la troisième fois si vous voulez du mousseux, et que, pris.e au dépourvu, vous ne pouvez répondre que cela : « ἐφίλουν τὸν πατέρα, οὐ φιλῶ αὐτὸν πίνοντα. »

Votre grand père éméché et de toute façon déjà à moitié sourd n’ayant entendu dans votre phrase que « pinot » vous tend la bouteille de rouge, mais votre mère l’attrape au vol et affirme que c’est assez d’alcool pour ce soir. Vous sautez sur l’occasion en affirmant que vous êtes un peu fatigué.e, et rejoignez votre lit, dans lequel vous avez tout loisir de feuilleter votre ἕρμαιον !

Alice H811

Nous vous disons « pschitt » et à la semaine prochaine ! 

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