Quel caractère ! L'oligarque

Texte :

Les Caractères de Théophraste ont traversé les siècles. Que vous soyez helléniste ou simple observateur, vous en connaissez sûrement quelques-uns. Par Laure de Chantal

Les défauts de l’âme humaine sont-ils intemporels ? Des siècles plus tard et sans chirurgie esthétique l’homme politique n’a pas pris une ride.

"L'oligarchisme, à ce qu'il semble, est un esprit de domination, qui aspire à la fois à la puissance et à la richesse. Et voici quelle sorte d'homme est l'oligarque. Le jour où le peuple délibère sur le choix des citoyens qu'on adjoindra à l'archonte pour organiser la procession, il monte à la tribune et déclare qu'il faut leur donner pleins pouvoirs; ensuite, si on propose dix noms, il soutient qu'un seul suffit, « pourvu ajoute-t-il, que ce soit un homme ». De toute l'œuvre d'Homère, il a retenu ce vers  (et c'est, d'ailleurs, le seul qu'il connaisse): « Ce n'est pas un bien que le gouvernement de plusieurs: un seul doit commander. »

Il a sans cesse dans la bouche certaines formules, comme: « Il faut nous réunir, seuls, entre nous, pour délibérer sur la question , « Tenons-nous à l'écart de la foule et de l'agora », « Cessons d'aspirer aux magistratures, et n'acceptons de ces gens-la ni injures, ni honneurs », « De deux choses l'une: c'est à eux ou à nous de sortir de la cité. »  

L'oligarque ne sort qu'au milieu du jour'; il s'avance, le manteau bien drapé, la barbe taillée de moyenne longueur, les ongles coupés avec soin.   « Les sycophantes, déclare-t-il d'un ton dramatique rendent la ville inhabitable », « Dans les tribunaux nous sommes indignement traités par la populace qui nous juge », « Je ne conçois pas les gens qui se mêlent des affaires publiques. Quel est leur but? Le peuple n'est qu'ingratitude: il appartient à quiconque donne ou distribue », « Quelle humiliation que de siéger, dans l'assemblée, à côté de quelque gueux malpropre! »,  « Quand donc cessera ce fléau des liturgies et des triérarchies qui nous ruinent », «  L'odieuse engeance que celle des démagogues! C'est Thésée qui fut le premier auteur de nos maux, le jour où, ayant concentré la plèbe de douze villes en une seule, il abolit les royautés. Aussi bien a-t-il eu le sort qu'il méritait: il a été la première victime du peuple ! » Et autres propos semblable qu'il tient aux étrangers et à ceux de ses compatriotes qui sont de son opinion et de son parti."

Théophraste, Caractères XXVI, texte établi et traduit par O. Navarre, Les Belles Lettres, 1921
 

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