Miroir mon beau miroir - Mythologie caniculaire

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Amis des Classiques, les mythes sont des miroirs : il suffit de les regarder pour voir le reflet véridique, de notre âme et de l’âme du monde. Par Laure de Chantal.

  Aujourd'hui, levons les yeux au ciel !

Levons les yeux au ciel et observons ceci(1).

 

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Si l’obscure clarté qui tombe des étoiles ne vous est pas limpide, chaussez vos lunettes antiques, et vous verrez ceci

 

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Dans la voûte céleste, Grecs et Latins voyaient un bric à brac féérique, anticipation poétique de ce que peut être l’espace contemporain aux alentours de la terre, pullulant d’objets célestes et terrestres en tout genre et sans cesse en mouvement. 

S’il n’y avait ni antennes ni débris, l’espace antique était constitué d’épaves de navires, de fragments de chariot ainsi que d’un troupeau d’animaux imaginaires ou familiers, issus de catastérismes, c’est-à-dire de la transformation en étoile de personnages de la mythologie. Parmi les plus fameux, nous pouvons admirer sur cette carte, et dans le ciel estival, Orion chassant les sœurs Pléiades.

Les étoiles qui nous intéressent en ce moment se trouvent juste à côté, aidant le chasseur Orion dans sa poursuite infinie : il s’agit du Petit Chien et du Grand Chien, à savoir Procyon et Sirius.. En effet, c’est officiel, nous sommes depuis quelques jours entrés en canicule, c’est-à-dire sous le signe de la constellation du chien. Si l’étymologie du terme est bien connue, le mythe qui est à son origine mérite d’être évoqué. Il est raconté par Hygin, un individu aux goûts éclectiques, puisqu’il fut à la fois le bibliothécaire d’Auguste et l’ami d’Ovide, et que sous son nom ont été conservés un recueil de fables et un manuel d’astronomie.

L’histoire commence à Athènes, lorsque le roi Icarios reçoit de Dionysos, en remerciement pour avoir favorisé la reconnaissance de son culte, un présent inestimable, le vin. Icarios, bon prince, décide d’en faire profiter les bergers et paysans alentours. Ces derniers en usent sans modération et, devant les effets pour eux inconnus de la boisson, se croient empoisonnés. L’ivresse aidant, ils jettent Icarios dans un puits, avant de s’endormir lourdement. Tandis que le roi agonise, sa chienne appelle à l’aide, jappe et grogne, mais lorsqu’Érigone, la fille du roi, arrive à la rescousse, il est trop tard. Désespérée, elle se pend tandis que la chienne hurle à la mort jusqu’à ce que mort s’en suive. Ému par la situation (ou peut-être pour la faire taire), Jupiter transforme l’animal en étoile, de même qu’Érigone, qui rejoint la constellation de la Vierge. De là viendrait la coutume, romaine, de sacrifier des chiens pour apaiser les méfaits de la canicule, période néfaste en ville comme à la campagne. Une autre partie de la légende raconte que, lorsque bergers et paysans endormis se réveillèrent et trouvèrent le corps frêle de la jeune femme oscillant dans l’air, ils inventèrent la balançoire pour apaiser son courroux et qu’une fête, les Alétides, les célébraient.

Amis des Classiques, levons les yeux au ciel, méditons et transpirons un peu : quelle peut être la morale de cette fable ?

(1) « Canis Major & Minor & Lepus » par Michelet B — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.