L'antiquité dont vous êtes le héros - En pays barbare, partie 5 : le Germain, sauvage et barbare

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De quelle façon le monde virtuel interprète-t-il les connaissances que nous avons de l’Antiquité ? Comment, au travers des « gameplay »[1] et des scénarios de fiction vidéo-ludique, le joueur s’imprègne-t-il des sociétés antiques au cœur desquelles l’action du jeu-vidéo le situe ? Souvent entre réalité historique et imaginaire fantasmé, Nicolas Ben Mustapha, étudiant-chercheur diplômé en histoire ancienne, nous invite à nous plonger dans ces mondes reconstitués.

« Pour se couvrir, ils ont tous une saie, attachée avec une agrafe ou, à défaut, avec une épine. Ils passent des journées entières près du foyer et de leur feu sans avoir rien d’autre sur le corps. » (Tac., Germ., XVII, 1-4)

Les développeurs font grand cas au travers des jeux-vidéos de la misère et de la pauvreté que la vie impose aux Germains, en toutes circonstances. Les parures et les coutumes vestimentaires – l’apparence même du Germain au-delà de toute considération physique et anatomique – illustre la rudesse de la vie de ces barbares évoluant dans les contrées septentrionales. Une mise en parallèle avec le témoignage de l’historien Tacite renforce cette idée :

« Les plus riches se distinguent par un vêtement non pas flottant comme les Sarmates ou les Parthes, mais serré et qui moule tous leurs membres. Ils portent aussi des peaux de bête, les plus proches de la rive sans beaucoup de soin, ceux de l’intérieur avec plus de recherche, comme gens à qui le commerce ne procure nulle parure (…) Les femmes ne s’habillent pas autrement que les hommes, mais portent assez souvent des vêtements de lin qu’elles rehaussent de pourpre ; la partie supérieure de leur costume ne s’allonge pas en manches, elles gardent les bras entièrement nus, même sur la poitrine, l’attache des bras reste à découvert. » (Tac., Germ., XVII, 1-4)

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https://www.sega.fr/ Des guerriers Germains, traditionnellement représentés arborant des peaux d’animaux sauvages (loups, ours…).

On retrouve ici le signe de la simplicité qui caractérise le mode de vie des Germains, dont la parure vestimentaire, dénuée de tout charme et de toute élégance, empreinte d’une satisfaisante sobriété tend à illustrer la pauvreté matérielle de ces populations à l’image de nos Germains virtuels. L’aisance (relative) dans laquelle vivent les citoyens Romains et, si l’on se réfère à la Rome impériale telle que présentée dans les jeux-vidéos, l’accumulation des richesses à Rome et le train de vie luxueux de l’aristocratie tranchent catégoriquement avec l’existence misérable des populations transrhénanes. C’est aussi la mention d’un habillement sommaire, vétuste et rustique. Mais quels types de vêtement portaient réellement les Germains ? D’ordinaire : une tunique en lin, en laine ou en peau de bête (qui descendait jusqu’aux genoux avec de courtes ou longues manches), un long pantalon et un manteau. Des ceintures étaient également portées à la taille. Un habillement assez proche de celui des Celtes comme en témoigne notre culture populaire laquelle se représente aussi le Germain comme étant torse nu, voire portant des peaux d’animaux. César évoque le stéréotype du barbare vêtu de peaux de bête :

« Ajoutez qu’ils ont pris l’habitude, bien qu’habitant des régions très froides, de n’avoir pour tout vêtement que des peaux, dont l’exigüité laisse à découvert une grande partie de leur corps. » (Ces., BG., IV, I, 1-10)

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https://www.sega.fr/ La culture populaire et son florilège de représentations…ici la nudité « barbare ».

Il est intéressant de noter au travers de ces diverses représentations, virtuelles et littéraires, la mention de la « nudité ». Il est vrai que l’imaginaire collectif romain et par influence, le notre, fait régulièrement allusion au fait que les Germains vivaient nus ou laissaient à la vue de tous, une grande partie de leur corps, à l’image de l’animal que la méconnaissance des techniques empêche de se vêtir. C’est aussi la marque d’un statut civilisationnel inférieur qui est conforme aux représentations tant romaines qu’actuelles des peuplades germaniques.

Nicolas Ben Mustapha.

Vidéothèque

Stratégie en temps réel

Age of Empires: The Rise of Rome: Microsoft, 1998, jeu en multi-joueurs.

Rome: Total War: Activision, 2004, jeu en multi-joueurs.

Rome: Total War - Barbarian Invasion: Activision, 2004, jeu en multi-joueurs.

Total War: Rome II: Sega, 2011, jeu en multi-joueurs.