Aitia - L’œil de Méduse ou naissance du corail

Texte :

Ami des Classiques, tout est plein de dieux ! Qu’il s’agisse de phénomènes naturels, de rites religieux ou de toponymes, les mythes nous permettent de comprendre et d’expliquer le monde. Venez le découvrir avec les poètes de l’Antiquité ! Tous les quinze jours, Nicola Zito vous présente une “cause” différente.

Dans le monde qui nous entoure, les Anciens reliaient le mythe Méduse, l’affreuse créature dont le regard avait le pouvoir de pétrifier les malheureux qui le croisaient à une des merveilles de la nature : le corail.

Persée, désœuvré après avoir décapité la Gorgone, errait dans les cieux la tête de Méduse à la main. Il venait tout juste d’en expérimenter l’efficacité en transformant en la montagne qui porte son nom le vieux et désobligeant Atlas, coupable de lui avoir refusé son hospitalité, et il était à la recherche d’un nouvel exploit à accomplir.

Ce fut en survolant l’Éthiopie grâce à ses sandales ailées, prêt du dieu Hermès, qu’il trouva, justement, chaussure à son pied. La belle Andromède, à cause de sa mère Cassiopée, qui avait eu l’audace de se dire plus belle que les nymphes Naïades était enchaînée à un rocher émergeant des flots, lorsqu’un monstre marin arriva pour la dévorer  : le héros en profite pour arracher à ses futurs beaux-parents, quelque peu désemparés, une promesse de mariage ainsi qu’une dot pour la jeune fille (nul n’est jamais à l’abri de la nécessité, même un enfant de Zeus) puis fonce sur la bête, « lui fait dans le flanc une large blessure » et la tue.

C’est à ce moment-là qu’un prodige s’opère. Tout taché du sang de « ce monstre sauvage », Persée lave ses mains victorieuses dans l’eau de la mer, non sans avoir pris la tête de Méduse et l’avoir déposée, pour éviter que le sable ne l’abîme, sur un lit de feuillages et d’algues, bizarre précaution de la part de son meurtrier… Le sang de la Gorgone, qui coulait évidemment toujours de sa gorge tranchée, trempe les algues, en les faisant devenir rouges de vertes qu’elles étaient, pendant que la force pétrifiante du monstre, aidée en cela par la brise du vent, durcit ces mous végétaux. Les nymphes marines, amusées par le prodige, essayent avec succès de le répéter sur d’autres plantes, dont elles jettent par la suite les graines dans les flots : le corail était né.

Par ce récit, dont deux versions relativement similaires apparaissent dans les Métamorphoses d’Ovide (4.740-752) et dans le Lapidaire orphique (558-569), les Anciens essayaient vraisemblablement de rendre compte de la nature du corail, qu’ils avaient du mal à interpréter : il s’agissait pour eux tantôt d’une plante marine qui se pétrifie (Théophraste, Les pierres, 38), tantôt d’une plante marine durcie au contact de l’air (Pline, Histoire naturelle, 32.22) et ce ne fut qu’en 1753 que le Sieur de Peyssonnel montra à la Société Royale de Londres que les coraux ne sont ni des végétaux ni des minéraux, mais des animaux.

Dans la même chronique

Dernières chroniques